"Les Évadés (film, 1994)"

Après sa garde à vue, la journaliste de Blast contre-attaque en justice

Arbitrairement détenue par la police pendant deux jours et une nuit à la mi-juin, une journaliste de Blast entend obtenir réparation en assignant l’État pour faute lourde, invoquant la protection des journalistes et la défense de la liberté de la presse, constamment menacée. Interpellée et placée en garde à vue pendant 32 heures, elle a été libérée sans aucune charge le 19 juin dernier. Elle poursuit son combat pour la liberté d’informer sur le plan judiciaire.

Une assignation de l’agent judiciaire de l’État pour faute lourde devant le tribunal judiciaire de Paris est prête, selon son avocat, Me Laurent Pasquet-Marinacce. Elle sera déposée le 5 juillet si aucune conciliation n’est proposée par la Chancellerie, une étape obligatoire en justice civile. La reporter de Blast reproche à l’administration un grave dysfonctionnement du service public de la Justice, illustrant l’arbitraire et l’atteinte à la liberté de la presse.

Pressions et abus

Enquêtant sur les ventes d’armes françaises à Israël, ses recherches l’ont conduite le 18 juin à couvrir une action militante au siège d’Exxelia, entreprise au cœur d’une information judiciaire pour complicité de crime de guerre à Gaza. Des composants électroniques de cette firme avaient été retrouvés dans les débris d’un missile ayant tué trois enfants en 2014.

Malgré la présentation de sa carte de presse, elle a été conduite de force au commissariat du 11e arrondissement et placée en garde à vue pour participation à un groupement en vue de dégradations et dégradations volontaires. Les appels de la direction de Blast, attestant qu’elle ne faisait que son travail, n’ont eu aucun effet.

Les policiers l’ont longuement interrogée sur ses sources, la plaçant dans une cellule insalubre et isolée. Ils ont conditionné sa libération à un prélèvement ADN et au déverrouillage de son téléphone, usant de pressions constantes pour la fragiliser, au mépris de la protection des sources et de la loi. Ces tentatives ont échoué.

Un échec embarrassant

Libérée à 18h30 le 19 juin, peu après un appel à manifester lancé par Blast, aucune charge n’a été retenue contre elle ni contre les militants interpellés avec elle. “Les sept gardes à vue prises lors de l’intrusion dans la société Exxelia ont été levées et la procédure a été classée sans suite car aucune infraction suffisamment caractérisée ne leur est imputée”, a précisé le parquet de Paris. L’analyse des caméras a confirmé l’intrusion par quatre individus, dont aucun ne correspondait aux personnes placées en garde à vue. Les caméras extérieures n’ont pas permis d’identifier les agissements ni les personnes interpellées. Notre consoeur entend transformer cet aveu d’échec en condamnation de l’État, une action aux implications personnelles et professionnelles.

Violence institutionnelle

“Elle refuse de laisser s’installer des pratiques d’intimidation physique contre les journalistes et la violation de leurs secrets,” explique Me Pasquet-Marinacce. Sur un plan personnel, elle cherche réparation pour la violence institutionnelle subie.

En parallèle, Reporters sans frontières (RSF) a saisi le défenseur des droits sur les conditions de son interpellation et de sa détention, demandant que toute la lumière soit faite sur cette garde à vue abusive et les pressions pour révéler ses sources. L’autorité administrative indépendante peut demander des sanctions au service public fautif ou appuyer en justice le plaignant.

“Les incidents répétés mettant en danger le secret des sources appellent une réponse forte des pouvoirs publics et une révision de la loi Dati,” ajoute Thibaut Bruttin, adjoint au directeur général de RSF.

La France devra également répondre au niveau international du traitement des journalistes. L’arrestation de notre consoeur a été signalée à la plateforme pour la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe par la fédération européenne des journalistes, un mécanisme recensant les atteintes à la liberté de la presse en Europe. Une nouvelle tâche sur le tableau d’une France, pays des droits de l’homme.