Al-Jazeera officiellement interdite en Israël

Aucunes preuves concrètes n’ont été avancées pour étayer la menace sécuritaire de la chaîne, mais l’imaginaire israélien n’en a pas besoin : Al-Jazeera, succursale du régime qatari, est perçue comme acquise à l’islamisme radical. C’est «la bouche du Hamas», tonne le ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui porte le projet mais a refusé d’être interviewé pour cet article. Les employés de la chaîne qui travaillent en Israël, tous de nationalité israélienne comme Walid al-Omari, ou résidents de Jérusalem, sont souvent pris à partie par des membres du public. Leur déontologie n’est pas à remettre en question, les défend le patron. «Mais les Israéliens ne peuvent pas concevoir qu’il pourrait y avoir une presse libre au Moyen-Orient», ironise Diana Buttu.
Si Al-Jazeera a reçu la solidarité immédiate de l’Association de la presse internationale, dont les membres pourraient aussi tomber sous le coup de la loi, ses collègues israéliens restent ambivalents. «Il y a des manifestations de soutien individuelles», philosophe Walid al-Omari. L’Association de la presse israélienne a publié un communiqué lapidaire, «s’inquiétant de la décision de fermer des organes de presse». Mais il n’y a aucune mention d’Al-Jazeera et pas vraiment de condamnation non plus.
Le «big boss» ne veut pas se laisser impressionner. En bon citoyen israélien, il a fait appel à la Cour suprême. De toute façon, l’ordre de fermeture n’est valide que quarante-cinq jours et il ne peut être renouvelé qu’une seule fois. Il faudrait ensuite légiférer à nouveau. «Ce n’est que de la politique et du symbole», assure-t-il. Lundi, la police s’est filmée en train d’investir la chaîne – ce n’était en fait que la chambre d’hôtel de son correspondant, qui utilisait le balcon pour faire ses duplex.
La couverture d’Al-Jazeera ces sept derniers mois est la preuve, s’il en fallait une, de l’importance de la cause palestinienne à travers tout le monde arabophone. Depuis le début de cette guerre, la chaîne retransmet la Palestine en permanence, de Casablanca à Bagdad. «Dans le monde arabe, beaucoup l’ont accusé de normaliser Israël, explique Diana Buttu. Et maintenant, on la ferme, c’est comme si Israël se tirait une balle dans le pied.»
Beaucoup de Palestiniens en Israël ont perdu des membres de leur famille dans cette guerre, mais ils vivent dans une société qui a du mal à ne pas associer cette peine à du soutien à l’ennemi. Fermer Al-Jazeera, c’est anéantir leur droit à l’information.